Autotest dans les lycées, rieen n'est simple en France...

10 mai 2021 1 10 /05 /mai /2021 11:54

Les autotests accueillis avec

scepticisme dans les lycées

Analyse

À partir de ce lundi 10 mai, le ministère veut donner à tous les lycéens la possibilité de se faire dépister gratuitement une fois par semaine. Une partie des établissements privés refusent, en l’état, d’organiser cette campagne, qui pose des problèmes matériels et soulève des questions de responsabilité.

Denis Peiron,
le 09/05/2021 à 18:18
Modifié le 10/05/2021 à 13:45

Le protocole prévoit qu’un élève détecté positif « est immédiatement isolé dans une pièce adaptée et pris en charge comme un cas possible ». QUEMENER YVES-MARIE/OUEST FRANCE/MAXPPP

Après les professeurs, les élèves. À compter de ce lundi 10 mai, les lycéens volontaires et munis d’une autorisation de leurs parents vont pouvoir bénéficier gratuitement d’autotests dans leur établissement.+

« Simples à utiliser et indolores, ces autotests antigéniques sur prélèvement nasal offrent aux personnes asymptomatiques et qui ne sont pas contacts à risque une facilité complémentaire de dépistage », vante le ministère de l’éducation, qui prévoit des séances « hebdomadaires ». « Ce sont ainsi 60 millions de tests qui seront distribués dans les établissements scolaires d’ici aux vacances d’été », promet-il.

Chaque lycée devra disposer d’une salle dédiée, aérée régulièrement et d’une superficie suffisante pour ménager deux mètres de distance entre les personnes. En principe, il est prévu en amont séance de sensibilisation pédagogique, vidéo à l’appui.

Les infirmières scolaires en première ligne

L’utilisation des autotests doit se dérouler sous la supervision d’un « encadrant ». Les enseignants estimant massivement qu’il ne s’agit pas là de leur mission, cette tâche incombera bien souvent aux infirmières scolaires, faute de renfort massif de la part des « médiateurs », des étudiants recrutés pour faciliter les campagnes de dépistage en milieu scolaire.

Le protocole prévoit qu’un élève détecté positif « est immédiatement isolé dans une pièce adaptée et pris en charge comme un cas possible ». Il doit ensuite réaliser un test PCR « dans les meilleurs délais ». Si le résultat positif est confirmé, le lycéen doit s’isoler dix jours minimum, tandis que sa classe fait l’objet d’une fermeture pour sept jours (1).

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Voilà pour les principes. Mais la mise en œuvre pourrait s’avérer complexe. D’abord parce que certains lycées n’ont pas encore reçu les kits. Mais surtout parce que les chefs d’établissement se montrent sceptiques.

Les chefs d’établissement du privé à l’offensive

« Dans les conditions actuelles, une majorité de lycées de notre réseau ne fera pas passer les autotests », affirme carrément Arnaud Patural, vice-président du SNCEEL, organisation de chefs d’établissement de l’enseignement privé sous contrat. « Nos collègues pourraient être mis en cause si un élève se blessait en effectuant son autotest. Ou si, dépisté faux négatif parce que le test n’a pas été effectué correctement, il venait ensuite à contaminer son entourage », justifie-t-il.

Arnaud Patural invoque aussi des questions d’organisation, en prenant pour exemple son établissement, à Bourges (Cher), qui ne compte qu’une seule infirmière pour 2 600 élèves. « Impossible pour elle de superviser les dépistages une fois par semaine pour l’ensemble des lycéens. »

Le vice-président du SNCEEL voudrait « que les établissements puissent distribuer les autotests aux élèves, afin qu’ils les effectuent à la maison, sous la responsabilité de leurs parents ». Une solution à ce stade matériellement impossible. « Car nous recevons dans chaque lot une quantité de liquide révélateur à répartir entre plusieurs autotests », précise Arnaud Patural.

Selon une de nos sources, Jean-Michel Blanquer était favorable à une réalisation des autotests par les élèves à leur domicile mais le ministre de la santé Olivier Véran a eu le dernier mot. Un élève ayant effectué chez lui un autotest positif pourrait ne pas en informer l’établissement. Et certains lycéens pourraient être tentés de revendre leurs autotests plutôt que de se dépister…

Un dispositif efficace à condition d’être appliqué massivement

En tout cas, prédit Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du syndicat de personnels de direction SNPDEN, « la proportion d’élèves volontaires risque d’être faible ». En Île-de-France, à l’automne, seuls 20 % des élèves avaient participé à la première campagne de tests massifs, antigéniques, dans des lycées.

« Certes, les autotests sont moins douloureux mais beaucoup de gens ont le sentiment, sans doute à tort, que la troisième vague est derrière nous, grâce notamment aux efforts de vaccination », relève Bruno Bobkiewicz. « Et puis il y a la perspective du bac. Se découvrir cas positif à l’approche des épreuves, c’est risquer de ne pas pouvoir se présenter à l’examen. Certains préfèreront donc ne pas chercher à savoir », anticipe-t-il.

Or l’efficacité du dispositif repose sur une acceptation massive. Selon une étude Inserm-CNRS citée par le Conseil scientifique et la Haute autorité de santé, une adhésion de 25 % à un dépistage hebdomadaire entraînerait une réduction du nombre de cas de 30 % par rapport à la situation actuelle. Une adhésion de 75 % conduirait à une réduction de 50 % des contaminations.

À condition d’être correctement effectués, les autotests présentent une fiabilité de 80 à 95 %.

(1) jeudi 6 mai, 0,94 % des classes, tous niveaux confondus, étaient fermées.

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