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Par Daniel Maximin, commissaire de « 2011, année des Outre-mer »
1913
26 juin. Naissance d'Aimé Césaire à Basse-Pointe, dans le Nord de la Martinique. Deuxième enfant d'une famille de six enfants. Son père, âgé alors de 25 ans, est économe d'Habitation, puis sera fonctionnaire des Contributions. Sa mère Léonore Hermine est couturière.
« ..et ma mère dont les jambes pour notre faim pédalent, pédalent de jour, de nuit, je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et la morsure âpre dans la chair molle d'une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour et de nuit »
1924
Il entre comme boursier au Lycée Schoelcher de Fort-de-France, où sa famille a déménagé.
« Depuis le temple du soleil, depuis le masque,depuis l'indien, depuis l'homme d'Afrique,
trop de distance a été calculée ici, consentie ici, entre les choses et nous »
1931
Il quitte la Martinique pour Paris, afin de suivre des études de lettres au Lycée Louis-le-Grand. « Partir. Mon cœur bruissait de générosités emphatiques... »
Il y rencontre Léopold Sedar Senghor, qui représentera fidèlement pour lui jusqu'au bout : la patience paysanne des semences à forcer / et l'entêtement d'une conjuration de racines.
Reçu à l'École Normale Supérieure. Élu président de l'Association des étudiants martiniquais. Il transforme leur revue « L'étudiant martiniquais » en « L'étudiant noir », qu'il anime avec Senghor.
Été en Croatie, dans la famille de son condisciple Petar Gubarina, chez qui il commence la composition du « Cahier d'un retour au pays natal », dont la « douloureuse parturition » (Senghor) se poursuit à Paris au milieu d'une grave crise psychologique. En 1936 il passe les vacances en Martinique.
« Partir..j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : " J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies". Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : "embrassez-moi sans crainte..et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai " »
Il épouse en juillet à Paris l'étudiante martiniquaise Suzanne Roussi, âgée de 22 ans.
« ..et la femme qui avait mille noms / de fontaine de soleil et de pleurs / et ses cheveux d'alevin / et ses pas mes climats / et ses yeux mes saisons »
Ils auront six enfants : Jacques en 1938, Jean-Paul en 1939, Francis en 1941, Ina en 1942, Marco en 1948 et Michèle en 1951.
1939
Publication dans la petite revue « Volontés » de la première version du « Cahier d'un retour au pays natal », juste avant l'embarquement de la famille Césaire pour la Martinique. Ce poème aura de multiples et importantes transformations : une édition cubaine en espagnol dès 1943 illustrée par Wifredo Lam, une édition très différente à New York en 1947 éditée par les soins d'André Breton, une première édition en France chez Bordas en 1947 préfacée par Breton, jusqu'à l'édition de Présence Africaine en 1956.
« ...monte, lécheur de ciel, et le grand trou noir où je voulais me noyer l'autre lune, c'est là que je veux pêcher maintenant la langue maléfique de la nuit en son immobile verrition »
Les Antilles vivent jusqu'en 1943 sous le joug d'une « occupation fasciste » imposée par le gouverneur pétainiste. La résistance s'instaure sous la forme de la « dissidence » des résistants vers les îles voisines alliées. Aimé et Suzanne Césaire, professeurs de Lettres au Lycée, créent avec leurs amis René Ménil, Aristide Maugée, Georges Gratiant, la revue « Tropiques », de 1941 à 1945 (interdite un moment en 1943), qui jouera un rôle majeur dans l'émergence littéraire, culturelle et politique, des Antilles nouvelles de l'après-guerre. « Où que nous regardions, l'ombre gagne. L'un après l'autre, les foyers s'éteignent. Le cercle d'ombre se resserre, parmi des cris d'hommes et des hurlements de fauves. Pourtant nous sommes de ceux qui disent non à l'ombre. Nous savons que le salut du monde dépend de nous aussi. Que la terre a besoin de n'importe lequel de ses fils »
Le navire transportant vers les Amériques un grand nombre d'artistes et d'intellectuels d'Europe fuyant le nazisme avec leurs familles fait escale en Martinique. André Breton, Wifredo Lam, Claude Lévi-Strauss, Anna Seghers, André Masson, Victor Serge entre autres sont du voyage. C'est à cette occasion qu'a lieu la rencontre d'une importance capitale d'Aimé et Suzanne Césaire avec Wifredo Lam et sa compagne Helena, (un coup de foudre !) et avec André Breton et sa femme Jacqueline Lamba. La découverte de la fulgurance du « Cahier d'un retour au pays natal » et des textes de toute l'équipe de Tropiques, notamment ceux du couple Césaire et René Ménil au premier chef, suscite des échanges fructueux. Une visite du petit groupe de nouveaux amis à la forêt d'Absalon, condensé des splendeurs de la nature caribéenne, aura des conséquences déterminantes d'inspiration à la création chez chacun des participants : poèmes et textes fondamentaux de Suzanne et Aimé Césaire et de René Ménil dans Tropiques. Inspiration plastique chez Wifredo Lam de retour à Cuba, qui déterminera la série de tableaux de 1942-44 autour du chef d'œuvre La Jungle. Inspiration esthétique chez Breton et Masson, le peintre illustrant de gravures inspirées par Absalon l'ouvrage postérieur d'André Breton : Martinique charmeuse de serpents, dans lequel ce dernier rendra compte de l'importance poétique, philosophique et politique de son séjour aux Antilles et à Haïti, avec un dialogue entre les deux hommes, censé se tenir au milieu de cette forêt martiniquaise : « Je nous reverrai toujours de très haut penchés sur le gouffre d'Absalon comme sur la matérialisation même du creuset où s'élaborent les images poétiques... »
Séjour d'Aimé et Suzanne Césaire à Haïti, qui sera d'une grande importance tant pour leur pensée et leurs écrits postérieurs (Le grand camouflage pour Suzanne, Toussaint Louverture et Le Roi Christophe pour Aimé), que pour la communauté littéraire haïtienne : « c'est Césaire qui est à l'origine de notre ébullition » écrit René Depestre. (...Et maintenant lucidité totale. Mon regard par-delà ces formes et ces couleurs parfaites, surprend, sur le très beau visage antillais, ses tourments intérieurs. Car la trame des désirs inassouvis a pris au piège les Antilles et l'Amérique. S.C.). Le couple fera un court séjour à New York où ils retrouveront le milieu artistique des Français réfugiés et André Breton, qui publie dans sa revue VVV de nombreux textes antillais. À cette époque 40-46, la triade Port-au-Prince/ New York/ Fort-de-France est le principal creuset de création et de réflexion entre l'Europe en exil et les Amériques.
Aimé Césaire est élu maire de Fort-de-France en mai, puis député de la Martinique en octobre, choisi « presque contre son gré » par les forces progressistes dont le Parti communiste auquel il n'appartiendra qu'un an plus tard, comme emblème des forces victorieuses de résistance au fascisme, et comme symbole de l'identité antillaise fièrement affirmée contre l'assimilationnisme bourgeois et le discours sur la prétendue aliénation du peuple.
« Ce pays souffre d'une révolution refoulée. On nous a volé notre révolution.
La pire erreur serait de croire que les Antilles dénuées de partis politiques puissants sont dénuées de volonté puissante. Nous savons très bien ce que nous voulons. La liberté. La dignité. La justice. Noël brûlé.
Un des éléments, l'élément capital du malaise antillais, l'existence dans ces îles d'un bloc homogène, d'un peuple qui depuis trois siècles cherche à s'exprimer et à créer. Nous voulons pouvoir vivre passionnément.
Et c'est le sang de ce pays qui statuera en dernier ressort. Et ce sang a ses tolérances et ses intolérances, ses patiences et ses impatiences, ses résignations et ses brutalités, ses caprices et ses longanimités, ses calmes et ses tempêtes, ses bonaces et ses tourbillons. Et c'est lui qui en définitive agira... »
Il publie le recueil : « Les armes miraculeuses », (Poésie. Gallimard) qui inclue la première version de la pièce : « Et les chiens se taisaient »
« nous frapperons l'air neuf de nos têtes cuirassées / nous frapperons le soleil de nos paumes grandes ouvertes »
Il sera en 1946, le rapporteur de la loi instaurant les quatre « vieilles colonies » de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion, en départements français.
La revendication d'égalité sociale et politique portée par les élites politiques et culturelles des Antilles après les années de la dissidence, loin de leur apparaître comme l'aboutissement victorieux du processus d'aliénation coloniale méthodiquement acharné à tuer dans l'oeuf l'éclosion de peuples ou à combattre la conscience de leur avènement, tirait toute sa force au contraire d'une conscience claire de la défaite de l'assimilationnisme programmé, de l'affirmation d'une altérité socioculturelle érigeant les colonisés en peuples par le processus même de résistance à l'état colonial; et d'une confiance en l'identité antillaise, postulant sa puissance et son enracinement sans les lier directement à une revendication d'indépendance politique qui pouvait pourtant en apparaître la plus sûre garante sous la forme d'états constitués.
« Venons au fait :
D'hommes reconnus depuis un siècle citoyens formels d'un état, mais d'une citoyenneté marginale, comment ne pas comprendre que leur première démarche collective serait, non de rejeter la forme vide de leur citoyenneté, mais de faire en sorte de la transformer en citoyenneté pleine et de passer d'une citoyenneté mutilée à la citoyenneté tout court ?
Il n'en faut pas plus pour comprendre la loi de départementalisation du 19 mai 1946.
Elle comblait une contradiction. Elle en créait une autre.
Il est permis de se demander si ce n'est pas là la raison de l'inadéquation, donc de l'échec, de toutes les politiques antillaises suivies à ce jour: de s'être cantonnées dans d'apparemment commodes fictions juridiques; de n'avoir pas eu le courage de regarder en face la réalité antillaise; de ne s'être pas aperçu que tout ceci qui est très connu et que personne ne peut nier, je veux dire le particularisme de chacun des pays antillais, la remarquable communauté psychique de leurs habitants à quelque race qu'ils appartiennent, le fait qu'à côté d'une langue de grande civilisation, ils possèdent à leur usage interne une langue qui leur est propre et qui est le créole; l'existence enfin dans ces pays d'un embryon de culture, résultat de l'élaboration syncrétique d'éléments européens, africains et indiens; de ne pas, dis-je, s'être aperçu qu'on irait au devant de difficultés sans nombre en n'admettant pas au préalable que tous ces indices pris ensemble constituent bel et bien des éléments révélateurs de véritables petites communautés nationales. 1955 »
Il participe à la création de la revue : « Présence Africaine », avec son fondateur Alioune Diop :
« ...inspecteur des déshérences / testeur des fidélités / n'agréant de quotidien commerce / qu'avec les espérances inaperçues et les vastes souvenirs...à bout de bras hors boue / à bout de cœur hors peur... »
Il participe de manière importante à la célébration du centenaire de l'abolition de l'esclavage. Il préface l'édition des textes de Victor Schoelcher, et donne à Paris une grande conférence sur le sujet. Dans ce cadre est publiée par Senghor la célèbre « Anthologie de la Nouvelle poésie nègre et malgache », qui regroupe 17 poètes majeurs encore peu connus qui deviendront les classiques de la génération de la décolonisation.
Il publie : « Soleil cou coupé », ( Poèmes. Éditions K.)
« Où quand comment d'où pourquoi oui pourquoi pourquoi pourquoi se peut-il que les langues les plus scélérates n'aient inventé que si peu de crocs à pendre ou suspendre le destin... »
Il publie : « Corps perdu », ( Poésie. Éditions Fragrance) illustré de gravures de Picasso.
« ...mais à mon tour dans l'air / je me lèverai un cri et si violent / que tout entier j'éclabousserai le ciel / et par mes branches déchiquetées / et par le jet insolent de mon fût blessé et solennel / je commanderai aux îles d'exister »
Il publie : « Discours sur le colonialisme », dont la version définitive sera éditée par Présence Africaine en 1955. « ...si l'Europe occidentale ne prend d'elle-même, en Afrique, en Océanie, à Madagascar, c'est-à-dire aux portes de l'Afrique du Sud, aux Antilles, c'est-à-dire aux portes de l'Amérique, l'initiative d'une politique des nationalités, l'initiative d'une politique nouvelle fondée sur le respect des peuples et des cultures...l'Europe se sera enlevé à elle-même son ultime chance et, de ses propres mains, aura tiré sur elle-même le drap des mortelles ténèbres »
Premier Congrès des écrivains et Artistes noirs, à la Sorbonne en septembre. Discours marquant de Césaire : « Culture et colonisation », niant toute unité raciale ou ethnique des Noirs, et liant la solidarité de leurs luttes dans le monde à leur commune condition socio-politique actuelle de colonisés ou quasi-tels en lutte pour leur émancipation. Le discours de Franz Fanon, arrivé de Blida, fera aussi date, prélude à son engagement direct à son retour auprès du FLN pour l'indépendance de l'Algérie.
Il publie : « Lettre à Maurice Thorez » (Présence Africaine) accompagnant sa démission du Parti Communiste. Il fonde en Martinique le Parti Progressiste Martiniquais (PPM) et est triomphalement réélu comme député-maire de Fort-de-France.
« Dans ces conditions, on comprend que nous ne puissions donner à personne délégation pour penser pour nous ; délégation pour chercher pour nous... Aucune doctrine ne vaut que repensée par nous, que repensée pour nous, que convertie à nous »
Il publie : « Et les chiens se taisaient » ( Version théâtrale. Présence Africaine)
« mon nom : offensé; mon prénom : humilié; mon état : révolté; mon âge : l'âge de la pierre...ma race : la race tombée. Ma religion... mais ce n'est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement, c'est moi avec ma révolte et mes pauvres poings et ma tête hirsute... »
Il participe au Deuxième Congrès des écrivains et artistes noirs, à Rome, à la veille des indépendances africaines. Discours sur : L'homme de culture et ses responsabilités.
« Peuple d'abîmes remontés / Peuple de cauchemars domptés / Peuple nocturne amant des fureurs du tonnerre / Demain plus haut plus doux plus large... »
Il publie : « Cadastre » (Poésie. Seuil. Contenant une édition revue de : « Soleil cou coupé » et « Corps perdu ») « ..soit ton geste une vague qui hurle et se reprend vers le creux de rocs aimés comme pour parfaire une île rebelle à naître il y a dans le sol demain en scrupule et la parole à charger aussi bien que le silence »
Il publie : « Ferrements » (Poésie. Seuil)
« Angoisse tu ne descendras pas tes écluses dans le bief de ma gorge peur dans l'écheveau fou je n'aurai que faire de chercher en tremblant le fil rouge de mon sang de ma raison de mon droit le dur secret de mon corps de l'orgueil de mon coeur.. »
Il publie : « Toussaint Louverture » (Histoire. Présence Africaine)
« Quand Toussaint Louverture vint, ce fut pour prendre à la lettre la déclaration des droits de l'homme, ce fut pour montrer qu'il n'y a pas de race paria; qu'il n'y a pas de pays marginal ; qu'il n'y a pas de peuple d'exception..et c'est pourquoi il s'inscrit et inscrit la révolte des esclaves noirs de Saint-Domingue dans l'histoire de la civilisation universelle »
Il publie : « La tragédie du Roi Christophe » (Théâtre. Présence Africaine)
«.. Au plus bas de la fosse. C'est là que nous crions ; de là que nous aspirons à l'air, à la lumière, au soleil. Et si nous voulons remonter, voyez comme s'imposent à nous, le pied qui s'arc-boute, le muscle qui se tend, les dents qui se serrent, la tête, oh, la tête, large et froide ! Et voilà pourquoi il faut en demander aux nègres plus qu'aux autres, plus de travail, plus de foi, plus d'enthousiasme, un pas, un autre pas, encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! c'est d'une remontée jamais vue que je parle, messieurs, et malheur à celui dont le pied flanche ! »
Festival mondial des Arts nègres à Dakar, premier grand rendez-vous culturel après les indépendances africaines.
Il publie : « Une saison au Congo » (Théâtre. Seuil)
« Lumumba : "Oh ! cette rosée sur l'Afrique ! je regarde, je vois, camarades, l'arbre flamboyant, des pygmées, de la hache s'affairent autour du tronc précaire, mais la tête qui grandit, cite au ciel qui chavire le rudiment d'écume d'une aurore." Lumumba tombe »
Décès de Suzanne Césaire. Le couple était séparé depuis 3 ans.
« ..très pure loin de toute cette jungle / la traîne de tes cheveux ravivée / jusqu'au fond de la barque solaire / exaspération de la sécession... »
Il publie : « Une tempête ». À partir de « La tempête » de Shakespeare.(Théâtre. Seuil.)
« Par la gorge de l'oiseau musicien / je laisserai tomber / une à une / chacune plus délectable / quatre notes si douces que la dernière / fera lever une brûlure / dans le coeur des esclaves les plus oublieux / Nostalgie de liberté ! »
Il accueille son ami-frère d'Afrique, le président Senghor, pour sa première visite en Martinique.
« Alors la solitude aura beau se lever / d'entre les vieilles malédictions / et prendre pied aux plages de la mémoire / parmi les bancs de sable qui surnagent : et la divagation déchiquetée des îles / je n'aurai garde d'oublier la parole du Dyali.. »
1982
Il publie : « Moi, laminaire » (poésie. Seuil) qui se conclue par un ensemble de 10 poèmes en hommage à Wifredo Lam, décédé en septembre; à partir d'eaux-fortes proposées par le peintre au poète pour une ultime oeuvre commune en fidèle connivence de conviction et de création depuis le « coup de foudre » de 1941.
« Ainsi va toute vie. Ainsi va ce livre, entre soleil et ombre, entre montagne et mangrove, entre chien et loup, claudiquant et binaire. Le temps aussi de régler leur compte à quelques fantasmes et à quelques fantômes »
Aimé Césaire est l'invité d'honneur du Festival d'Avignon, à l'invitation de son directeur Antoine Vitez. Son théâtre, sa poésie et sa pensée sont l'occasion de diverses manifestations artistiques. Vitez, nommé administrateur général de la Comédie française, introduira « La tragédie du Roi Christophe » au répertoire, mais décèdera avant de pouvoir la mettre en scène.
Césaire renonce à son mandat de député de la Martinique, qui fut sans discontinuité un des plus longs de l'Assemblée Nationale ; puis en 2001, à celui de maire de Fort-de-France, après 56 ans de vie politique.
« Que pendant près de 40 ans, sans être de nature essentiellement politicienne, je me sois occupé de la chose publique, il doit bien y avoir une raison secrète. Alors, finalement, si j'y suis resté, si je l'ai fait, c'est parce que j'ai sans doute senti que la politique était quand même un mode de relation avec cet essentiel qu'est la communauté à laquelle j'appartiens. Alors ça, c'est la reconnaissance que j'ai envers la politique parce qu'à aucun moment je n'ai pu, je n'ai cessé même une seconde de penser que je suis de cette communauté-là, que je suis des Antilles, que dis-je, que je suis de Trenelle, que je suis de Volga-Plage, que je suis de Texaco, que je suis l'homme du faubourg, que je suis l'homme de la mangrove, que je suis l'homme de la montagne. Et la politique a maintenu vivant ce lien et vivante cette relation. Et alors lorsque j'ai le sentiment que j'ai perdu beaucoup de temps à des questions mineures, des réclamations dont certaines peuvent paraître futiles ou oiseuses, mais non, finalement, cela me permet de découvrir au fur et à mesure, -- je n'ai jamais fini de le découvrir -- de découvrir un peuple et de m'apercevoir que chez ce peuple, qui n'a presque pas de nom dans l'Histoire, il y a ce qui peut apparaître comme une forêt de réactions qu'on ne comprend pas très bien, mais il y a une sorte de logique secrète, il y a un instinct, il y a un vouloir vivre qui va dans une direction qu'il faut savoir comprendre et qu'il faut savoir peut-être canaliser et diriger, et qu'en réalité nous ne sommes pas les pères du peuple, nous sommes bien ce qu'on a dit tout à l'heure les fils du peuple »
Il publie : « La poésie » (Poésie complète. Seuil, puis en deux volumes collection Points Poésie)
« la pression atmosphérique, ou plutôt l'historique agrandit démesurément mes maux même si elle rend somptueux certains de mes mots »
Décès d'Aimé Césaire le 17 avril. Ses obsèques nationales ont lieu le dimanche 20 avril. « je croise mon squelette qu'une faveur de fourmis manians porte à sa demeure (tronc de baobab ou contrefort de fromager) il va sans dire que j'ai eu soin de ma parole
elle s'est blottie au cœur d'un nid de lianes
noyau ardent d'un hérisson végétal... »
Une plaque à son nom, apposée au mois d'avril, marque son entrée au Panthéon de la République