L’anglais s’impose comme langue de travail et de communication au sein de l’Union européenne, malgré le Brexit. La nouvelle carte d’identité sera bilingue. Tout cela en violation de l’Ordonnance de Villers-Côtterêts ! L’Elysée vient enfin de communiquer sur la langue de l’Europe, en faisant des « promesses » pour la fin du quinquennat. Le temps qu’une common law s’impose?

«  En français, et non autrement. » Ainsi doit-on écrire. Ces mots lapidaires de l’Ordonnance de Villers Côtterets, promulguée en 1535, sous le règne de François Ier, affirme sans ambiguïté la suprématie du français comme langue d’État et comme instrument essentiel du pouvoir. Dans la droite ligne de cette Ordonnance, l’article 2 de la Constitution française de 1958 déclarera: « La langue de la République est le français. » Socle de la République, une et indivisible, le français est aussi le ciment de la francophonie internationale. En 1921, est créée une carte d’identité— la CNI— rédigée en français, et pas autrement. Ce document, enrichi, par la loi du 27 octobre 1940, d’une empreinte digitale, justifie de l’identité de la personne et de notre identité commune. Et c’est en 2021 que le gouvernement français annonce la création d’une nouvelle carte d’identité, plus « sécurisée », moderne, entendez, européenne, en franco-anglais ! Double forfaiture : civique et linguistique.

Il ne suffisait pas que nous consommions en anglais, en violation de la loi Toubon de 1994. Que les grandes firmes « françaises » ne communiquent qu’en anglais. Que Ouigo soit le passeport de la SNCF. Que les news et les newsletters soient notre pain quotidien. Que les clusters configurent la France. Que nous vivions au rythme du stop and go, du talk et du débrief, bref de l’empowering de la langue de l’empire. Qu’avec la loi Fioraso, certaines universités enseignent Proust en anglais pour faire vivre dans le texte « la langue de Molière. » Que les collectivités publiques rendent attractifs leurs territoires en utilisant le globish: Only Lyon, Invest in Lyon, in Annecy Moutains. Il fallait que le président de la République française, insatiable d’atlantisme, choisisse la semaine de la francophonie pour annoncer la nouvelle carte d’identité française. Mesure-t-on la forfaiture ? Le drapeau bleu aux étoiles jaunes sans légalité ni légitimité n’a aucune raison de figurer sur une carte d’identité française. Le F de la France au milieu du drapeau européen est l’aveu éclatant que la langue française est devenue une langue régionale, vassale de l’anglais qui nous est imposé comme langue commune. La France est devenue une région de l’Union européenne.

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Francophonie: Macron envoie des signaux contraires

En 2017, le président Macron s’était engagé pour le français et la francophonie. En 2018, il reprenait un projet de campagne, lancé en 2001, de « l’Institut de la Francophonie, à Villers-Côtterets ». Tout avait été fait pour une inauguration en 2022. Hélas, des signaux contraires firent déchanter. Un collectif d’associations de défense de la langue française regroupées au sein du « Haut Comité de la Défense de la langue française et de la Francophonie, » (HCDLFF),  envoya au Président de la République, le 14 septembre 2020, une lettre ouverte, relayée par les médias, pour lui rappeler ses promesses. Des protestations s’élevèrent partout. Le 19 mars 2021, un communiqué de l’Élysée fait savoir qu’Emmanuel Macron pourrait —quand la France présiderait le Conseil de l’Union, au printemps 2022— mettre à l’ordre prioritaire du jour, la question du statut des langues officielles et du travail des institutions. Il pourrait. Que ne le fait-il tout de suite ? Pour une raison simple: ce délai permet d’imposer l’anglais comme langue de travail, sans réaction française, afin que cette jurisprudence pérennise le fait accompli. L’inauguration de Villers-Côtterets, elle, serait prévue à la fin du mandat présidentiel, en 2022.

Le Conseil de l’Union n’est pas sans savoir la fragilité du statut de l’anglais au sein de l’Union européenne, depuis le Brexit. Or, un puissant mouvement se développe pour le confirmer voire le promouvoir comme « langue commune » de fait, en arguant une domination de 46 ans, allant  même jusqu’à plaider que l’anglo américain serait une langue neutre, une sorte de volapük consensuel. Madame Ursula von der Leyden elle-même, donne l’exemple en ne parlant presque qu’anglais. Quelques associations envisagent de porter plainte devant la Cour européenne de Justice (CJUE) contre cet usage illégal de l’anglais comme langue commune puisque, selon le règlement n°1 de 1958 modifié, l’UE doit fonctionner avec au moins trois langues de travail.